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Muscler son cheval ?

6 mars 2017.

C’est un peu comme une obsession chez nombre de cavaliers, dans le milieu du loisir, comme dans le milieu du sport. Il faut muscler son cheval. Il faut que l’encolure soit imposante, que les formes soient développées, que les chevaux soient comme-ceci, comme-cela…
Alors « il faut travailler sur son attitude », il faut « placer le cheval » (ou le mettre en extension d’encolure), voire le faire tourner en rond pendant 20 bonnes minutes à chaque main, pour le muscler, évidemment.

Et si on commençait par se demander pourquoi ?

En réalité, l’idée de muscler son cheval et de chercher à le développer est bonne. En fait, elle est même évidente, et on pourrait considérer le but de l’équitation (au delà du loisir/plaisir du cavalier) comme de pallier les contraintes physiques imposées par la domestication.
Aussi fou que ça puisse paraître, les chevaux ne sont pas « faits » pour nous porter (WHAAAT?), ni d’ailleurs pour vivre dans les espaces plus ou moins restreints dans lesquels on les détient. Tout ce qu’on leur impose, est donc par nécessité, néfaste pour eux-même (et en même temps, voilà le nombre de chevaux que la domestication a sauvés… bref, là n’est pas le propos). Du coup, on va s’appliquer à chercher un équilibre, avec et pour eux (oui, c’est relativement paradoxal – c’est humain quoi).

Et c’est là qu’on va travailler nos chevaux. Quels que soient nos objectifs et disciplines de prédilection, l’idée est la même : accompagner les chevaux vers le meilleur d’eux-même. Enfin, c’est comme ça que je vois les choses.
Et bien sur, comme dans toutes choses, comme dans tous les sports, un objectif, ça se prépare, ça se travaille. Chez l’athlète, il va s’agir de travailler sur la condition physique qui mènera aux performances.

La toute première raison pour laquelle on va chercher à muscler un cheval c’est pour lui permettre, tout simplement, de nous porter sans -trop- se faire mal.

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Globalement, voilà à quoi ressemble la position « naturelle » d’un cheval, sans son cavalier, sur un sol plat. Le dos n’est pas forcément creusé, mais les muscles dorsaux ne sont sollicités que pour leur réelle fonction, le mouvement, la tête est plutôt haute et les abdominaux ne sont pas spécialement contractés. On comprend bien que dans l’état, le poids du cavalier peut poser problème.

On peut s’apercevoir quand on regarde un cheval que le dos est comme un pont suspendu entre deux « piliers », l’avant main et l’arrière-main, et donc que ce tronc est une zone fragile. A la fois les os, les muscles, mais aussi les organes peuvent se voir impactés d’une mauvaise gestion du dos du cheval (débourrage précoce, cavalier en surpoids par     rapport au cheval, attitude néfaste…)

L’équitation demande aux chevaux un certain équilibre d’après, entre autres, un ajustement de leur centre de gravité par rapport au notre.

Une fois le cheval en capacité de nous porter sans trop s’abîmer, on va pouvoir rechercher respectivement à atteindre nos objectifs par un travail régulier et bien souvent, assez ciblé. On ne demande pas à un cheval de courir 90km, de dérouler une reprise aux figures de haute école, d’enchaîner un parcours à 1m20, sans préparation au préalable, évidemment. D’ailleurs, on ne devrait pas non plus demander à un cheval de loisir d’enchaîner 10 obstacles alors qu’il n’en a pas sautés depuis 2 mois, ou d’encaisser une bonne séance de dressage alors qu’il n’est pas sorti depuis plusieurs semaines, ou encore de nous porter pendant plusieurs heures sur des kilomètres alors qu’il ne sort que 3 fois par an. Les objectifs quels qu’ils soient nécessitent une préparation adaptée.

Et du coup, comment s’y prendre ?

Le meilleur conseil que je puisse vous donner : trouvez un enseignant qui saura vous apporter ce que vous recherchez, c’est certainement la meilleure façon de progresser, de cibler les éventuels soucis, de fixer des objectifs selon les capacités de chacun.

Mais avant de travailler avec un cheval, de chercher à le muscler, il faut s’assurer que chacun soit en mesure de se mouvoir librement, sans restrictions physiques, douleurs, gènes. Les traditionnels check-up ostéo, dentiste, ainsi que bodywork, shiatsu, ainsi que le suivi, sont valables pour le cheval, mais aussi pour le cavalier. Sans oublier de vérifier que nous disposons d’un matériel adapté à chacun.

Il est important de savoir concrètement ce que l’on cherche à muscler. Le cœur ? L’appareil locomoteur ? Les abdominaux ? Dorsaux ? Triceps ? Biceps ?

Il s’agit généralement d’un travail global. Quelles que soient nos aspirations en terme de performances et de discipline, entretenir la polyvalence de son cheval ne représente à mon sens que du positif. Pour lui-même, pour son moral, pour ses capacités, varier le travail permet de solliciter différentes zones du corps (et du cerveau aussi) et en plus, c’est vachement chouette !

L’extérieur est, pour moi, de loin la meilleure des façons de travailler avec son cheval, et de l’aider à développer une musculature harmonieuse. On a souvent trop peu conscience de l’importance et des bénéfices d’une simple heure de sortie, rênes longues (ou pas). Qu’il s’agisse d’un welsh de pony games, d’un SF de CSO, d’un PRE de dressage (pour bien entretenir les clichés…).
Le travail en extérieur, les variations de terrain, le dénivelé, permettent une sollicitation de tout le corps et le cerveau (toujours), une excellente façon d’entretenir le moral et la condition physique, et de travailler sans forcément en avoir l’impression !

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Marion et Sarah au travail en terrain varié.

Attitudes et travail

Il y a cette mode qui consiste à travailler son cheval à pied avant de lui monter sur le dos (ou pas), et pour une fois MERCI LA MODE (même si évidemment, il y a comme partout des bonnes et mauvaises choses, etc, etc, etc).
Le travail « basique » qu’on peut retrouver dans la plupart des programmes de ce qu’on appellera « l’équitation comportementale » propose tout un tas de choses qui évidemment, en plus d’être bénéfiques sur le plan comportemental, relationnel, nous apportent des pistes très intéressantes sur le plan physique. Reculer, mobiliser les hanches, les épaules, franchir, envoyer, « transitionner », etc – autant de petites choses qui développent la musculature, et qui peuvent faire office de préparation au travail, ou du travail en lui-même (une fois de plus, en fonction du niveau et des objectifs).

Puisqu’on parle de mode… il en existe aussi une qui consiste à exiger certaines positions de têtes à tout va, à n’importe quel cheval dans n’importe quel contexte. En gros, on entend parler du placer et de l’extension d’encolure, comme des but ultimes à atteindre pour muscler son cheval. Du coup, on peut voir un peu partout de gentils chevaux qui trottinent sans fin, nuque fermée, et encolure arrondie, ou nez au sol, alors que bien souvent l’épaule intérieure est tombante, le garrot effondré, et les postérieurs loooin, tellement loin derrière qu’on a l’impression qu’ils courent après le corps (mais non, je n’exagère pas).

Mon point de vue, est que l’attitude et la posture commencent par ce qui se passe derrière. L’engagement des postérieurs (« engagement de la masse sous le corps »), l’abaissement des hanches (la prise d’équilibre), la création de l’amplitude (grâce à la propulsion), et enfin le redressement de l’épaule (avant main préalablement dégagée/allégée par l’abaissement des hanches) et le pli, sont tant et tant de choses à travailler et à peaufiner avant de voir, tout naturellement, la nuque céder, le port de tête se stabiliser, et l’équilibre se créer.

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La jeune Vida (encore en croissance) cherche son équilibre dans l’impulsion.
La position de tête n’est pas forcée. Le mouvement est accompagné.

Cet équilibre et cette posture sont propres à chaque cheval, et même je dirai, à chaque duo cavalier/cheval. Parce que non, clairement, d’un cheval à l’autre, tous ne pourront pas offrir les mêmes choses. Parce que leur race, parce que leur conformation, parce que leur histoire, parce que leur cavalier font que c’est ainsi. Chaque couple cheval/cavalier fonctionne, à mes yeux, comme un système unique à part entière, qui évolue, qui change, et qui crée son propre équilibre.
Personne ne doit chercher à faire comme le voisin. C’est frustrant et contre-productif.
Une fois de plus, il ne faut pas chercher à être « le meilleur », mais simplement à devenir « la meilleure version de soi-même ».

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Appache et Georgina, après des années de partenariat,
semblent avoir trouvé leur propre équilibre.

Donc, les attitudes changent, au fil du temps ainsi qu’au fil de la séance.

Elles dépendent des aspirations et disponibilités de chacun, ce jour J, à cet instant T. C’est quelque chose qu’il faut accepter, c’est là toute la beauté du travail avec le vivant.
C’est pourquoi organiser des séances, un programme de travail précis et à l’avance mène souvent à des déceptions et des échecs. La meilleure façon de travailler reste, je crois, celle qui consiste à approfondir et peaufiner ce qui peut l’être sur le moment. Ça n’empêche pas de suivre un fil conducteur ni de parvenir à ses objectifs.

Pour un travail juste et progressif…

Concrètement je crois qu’une séance de sport peut en gros se découper en 4 phases.
Et là première, n’est pas des moindres. Pourtant je ne compte même pas la quantité de cavaliers qui la négligent. Il va s’agir de détendre. Mais j’entends pas détente dans le sens « échauffer » comme on a l’habitude de le faire en équitation. Détendre au sens premier du terme. Amener de la décontraction. Pourquoi cette étape est primordiale ? Parce que vous n’obtiendrez rien d’un cheval stressé, en position de défense. Du moins rien de bien constructif. Et il en va de la santé et de tout ce qui s’y rapporte. Chez le cheval, tout comme chez nous, le système nerveux autonome est constitué du système nerveux sympathique, qui en gros se charge des fonctions de défense et de fuite face aux stimulis présents, qui accélère l’activité cardiaque et respiratoire, augmente la tension… et qui déclenche le fameux « instinct de proie ». Le SN (système nerveux) sympathique est à l’origine de la réponse dite « fight or flight », « se battre ou fuir ».
Le système nerveux parasympathique lui, se charge de la relaxation, de la temporisation des fonctions vitales et de tout le corps. Il rend donc le cheval disponible et enclin à profiter de façon positive des expériences qu’on lui propose. Et de ce fait, il rend le corps apte à se développer correctement et à profiter pleinement du travail.

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Sheitan, détendu et disponible.

La partie détente du cheval serait donc, dans l’idée, de trouver une manière d’ « activer » le SN parasympathique du cheval avant de le mettre au travail, de mettre sur « pause » les réflexes de défense type « fight or flight » qui représentent une entrave à la progression et aux apprentissages. Et ça, il tient à chacun de trouver le meilleur moyen pour le cheval en question. Ça pourra être des grattouilles et des touchers doux, du travail à pied sur des exercices simples et acquis, des propositions de schémas rassurants, de la décontraction de mâchoire… c’est propre à chacun, mais important pour tous.

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Laurène et Trist An.
Décontraction de mâchoire par action du mors.

En suite, on va pouvoir passer à l’échauffement, du cheval et de nous-même. Ce qu’on a l’habitude d’appeler la détente. Mettre le corps en condition pour le travail. Et une fois de plus, chacun a sa manière de procéder. Travail à pied, travail à cheval, mobilisations, transitions, tour en extérieur… l’échauffement permet aussi, de toute évidence, de mettre en avant les disponibilités du cheval à cet instant T. De déceler aussi d’éventuels inconforts, et de trouver un axe de travail en fonction de ce qu’on a sous les yeux, et dans les mains.

On va pouvoir passer au « travail » physique disons, en lui-même. Avec un cheval échauffé et détendu. Prêt à travailler avec vous. Et là… il y a des millions de possibilités. Le but reste à mon sens que chacun puisse y trouver son compte. Alterner du facile et acquis avec de l’apprentissage plus compliqué par exemple. Incorporer des pauses dans le travail (je vous mets un lien vers un article sur le travail fractionné par exemple). Et quoi que l’on fasse, ne pas hésiter à repasser à la phase « détente » si besoin. Laisser un exercice de côté pour en engager un autre. S’adapter au cheval et toujours penser qu’un apprentissage dans la douleur, dans l’inconfort, ou dans l’énervement, ne mènent à RIEN de bon.

Il est important de varier aussi les contraintes physiques des exercices. Personnellement j’aime beaucoup varier les séances, avec par exemple, sur une séance de dressage avec travail sur les cessions, aller passer une petite croix ou des petites barres au sol entre deux exos. En plus de nous permettre de pas nous ennuyer, ça permet au corps une mobilisation complète et globale. Et ça, ce n’est pas négligeable.


Enfin, on va pouvoir passer à la partie étirement. Les sportifs ne négligent pas cette étape, et pour cause, les muscles travaillés et contractés vont pouvoir se décontracter, se ré-oxygèner, et en plus d’aider à une bonne évolution musculaire, ils vont permettre d’éviter (ou de minimiser) les courbatures. Une marche en main ou rênes longues, un tour en extérieur, n’importe quoi qui puisse permettre au cheval de choisir son attitude et position… à privilégier deux fois plus pour les chevaux qui vivent dans des espaces restreints, et qui n’auront pas l’occasion de le faire d’eux-même.

Respecter ces étapes permettra je crois une évolution optimale, et ce, quelles que soient les disciplines pratiquées et le niveau. Détendre, échauffer, travailler, étirer. De la première séance chez le poulain de loisir jusqu’aux séances quotidiennes du cheval de haut niveau.

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Quand ils en ont l’occasion, après, pendant, voire même avant la séance, les chevaux peuvent être amenés à s’étirer.


Alors il est temps d’aborder l’idée d’un travail réfléchi. Quelles sont les capacités de mon cheval ? Quelles sont ces limites ? Quelles sont mes aspirations ? Quels sont nos objectifs ? Est-ce que je travaille mon cheval pour mon propre loisir ? Pour son confort physique ? Pour atteindre un but sportif ? Pour une question d’esthétique ? En réalité « Où va-t-on ? », « Pourquoi ? », et «  Comment ? ».

Enfin, je pense qu’au delà de tous les programmes que l’on peut mettre en place, il faut être capable d’écouter et de respecter son partenaire équin. Dans l’optique d’un travail juste et progressif, il sera le plus à même de trouver ses propres zones de confort (dans l’attitude par exemple), et de se développer correctement. Un travail global sur les conditions de vie et d’entretien est indispensable à ce bon fonctionnement. Un dysfonctionnement, un inconfort physique, si minime qu’il soit, peut avoir de grosses conséquences. C’est pourquoi il faut être capable de connaître son cheval, et de déceler chaque petite « anomalie » pour pouvoir la traiter. La traiter, et pas s’acharner dessus ou aller contre en espérant faire « plier » le cheval. Quels que soient vos aspirations, pensez à regarder votre cheval à chaque instant et à vous demander « est-ce que ce travail lui correspond ? ».

Et bien entendu, avant d’exiger à votre cheval d’être sportif et tonique… exigez-le de vous-même.

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N’est-ce-pas, Rose ? 

Quand on fais ce que l’on a toujours fait, il ne faut pas s’étonner de recevoir
ce qu’on a toujours reçu.

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